PAISOLI DI BARRETTALI - - Christian BIANCHI/ Jean-Pierre SANTINI - 2007

EXTRAITS - Edition artisanale JPS

Paisoli di Barrettali, texte de Jean-Pierre Santini

Maisons veuves, maisons de veuve habitées de silences et de petits pas;  maisons étroites et voûtées, déjà penchées sur leurs ruines, aux portes entrebâillées, aux volets clos griffés aux vents, blanchis aux sels, aux soleils et aux pluies ; maisons aux toits lourds de schistes scintillants, raides chevelures sur des façades blêmes et des fenêtres aveugles comme le regard brisé des extrêmes vieillards ;  maisons solitaires et sombres, parfois regroupées comme un faisceau de deuil autour du vide exigu des places de hameau ; maisons murmurantes et étonnées d’être encore là malgré l’hiver et le vent qui chuchote ses secrets maléfiques dans les angles et les saillies, les lucarnes et les soupiraux, l’embrasure des portes et le chapeau des cheminées.

Le pays était peuplé de ces monstres de pierres  étonnamment dressés sur des lieux inattendus : promontoires qui surplombent de profonds ravins où moussent ronces et fougères, signes d’eau qui attirent la vie ; petits plateaux propices à enclore quelques jardins étroits ; coteaux aux flancs lourds couronnés de bâtisses disposées en cercles concentriques où la famille d’origine a doucement prospéré, étalant autour d’elle la colonie de sa descendance.

La grande diversité des sites peut surprendre. Mais les gens d’ici ne regardent plus autour d’eux, comme si le pays, unique, uniforme, peut-être imaginaire, mais combien plus réel que le pays réel, occupait toute leur âme. C’est un pays intérieur, un pays de l’intérieur où l’on marche comme au désert, dans une forêt blanche, un grand espace lumineux qui glace et qui réchauffe tout à la fois, un pays comme l’envers d’une image au fond du regard où glisse la lassitude, mais qui palpite encore d’un rêve inachevé.

 

Date de dernière mise à jour : 23/06/2022

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